Le Seigneur a dit : Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés. Cette faim n’a rien de corporel, cette soif ne désire rien de terrestre. Elles aspirent à être rassasiées de justice et, lorsqu’elles ont été introduites dans le secret de tous les mystères, elles souhaitent être comblées du Seigneur lui-même.

Heureuse l’âme qui convoite cette nourriture et qui brûle de désir pour une telle boisson : elle n’y aspirerait pas si elle n’avait déjà goûté quelque chose de sa douceur. Elle a entendu l’Esprit qui fait parler les prophètes, quand il lui disait : Goûtez et voyez comme le Seigneur est doux ! Alors elle a reçu comme une parcelle de la douceur d’en haut, elle s’est enflammée d’amour pour cette volupté très pure. Aussi, méprisant tous les biens corporels, elle a brûlé de toute son ardeur pour cette nourriture et cette boisson de la justice, et elle a saisi la vérité de ce premier commandement qui dit : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton esprit et de toute ta force. Car aimer Dieu n’est rien d’autre que désirer la justice.

Enfin, de même que le souci du prochain se rattache à l’amour de Dieu, ainsi la vertu de miséricorde s’unit à ce désir de la justice, si bien qu’il est dit : Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde !

Reconnais, chrétien, la valeur de ta sagesse ; comprends à quelles récompenses tu es appelé, et par la pratique de quels enseignements tu les obtiendras. La Miséricorde veut que tu sois miséricordieux ; la Justice, que tu sois juste, afin que le Créateur apparaisse dans sa créature et que, dans le miroir du cœur humain, resplendisse l’image de Dieu exprimée par les traits qui la reproduisent. Ta foi peut être assurée, si elle s’accompagne de la pratique : tout ce que tu désires viendra à ta rencontre, et tu posséderas sans fin ce que tu aimes. […]

Sermon de saint Léon le Grand sur les béatitudes