Caroline Vidal a fait partie de l’équipe de France de sourds et malentendants qui a décroché huit médailles lors des derniers championnats du monde. La joueuse occitane évoque cette aventure, son handicap et ses attentes.
Licenciée au TC du Barrou (34)
Classement : 15/1

Quel est votre métier et quand avez-vous commencé le tennis ?

Je suis directrice générale de l’association Mas des Moulins à Montpellier qui œuvre dans le champ de la protection de l’enfance.
J’ai commencé le tennis à l’adolescence et je me suis arrêtée au moment des études à cause d’une blessure. Je m’y suis remise plus de 20 ans après, juste avant la pandémie de Covid-19.

Pouvez-vous nous expliquer quel est votre handicap ?

J’ai une surdité profonde de niveau 2, perte auditive – 110dB, ce qui veut dire que même avec mes prothèses auditives, la compréhension et la communication passe majoritairement par la vue, dont la lecture labiale. Si l’on ne me parle pas en face et en articulant, je ne peux comprendre le message. Je me suis adaptée à ma surdité et je préfère même le silence au bruit des appareils.

Par contre, la surdité étant un handicap invisible : on oublie très vite qu’une personne est sourde. La communication et l’intégration dans un groupe sont compliquées car elles demandent une vigilance qui n’est pas naturelle et dont on n’a pas l’habitude. À force de faire répéter et dire que l’on n’a pas compris, on finit par ne plus rien dire… et on passe à côté, en silence.

Comment avez-vous découvert le tennis sourds et malentendant ?

C’est un juge arbitre, Pierre Bisset, qui m’a parlé de compétitions pour sourds et malentendants. Après plusieurs recherches et des prises de contacts sans réponse, je me suis adressée à Martine Bisset, médecin auprès de la FFT en charge de la surveillance médicale des SHN pour la ligue Occitanie.

Elle a pu me mettre en relation avec Xavier Lerays, capitaine de l’équipe de France de tennis sourds et malentendants. Il m’a fallu de la persévérance pour connaître cette pratique.

 

Comment vivez-vous au quotidien avec votre handicap et quelles sont les spécificités du tennis sourds et malentendants ?


Outre l’impossibilité de communiquer avec mon adversaire ou ma partenaire de par la distance entre les joueurs sur un terrain, je suis également sensible à la luminosité. N’entendant pas la frappe de la balle de mon adversaire, l’information sur son effet, sa vitesse, son centrage, sa puissance me vient visuellement au fur et à mesure que la balle traverse le terrain.

Ceci induit une prise d’information partielle et tardive, et une vitesse d’adaptation qui doit être supérieure pour préparer le coup à jouer. De même si une balle est let, signalée faute : ne l’entendant pas, je continue à jouer, ce qui peut prêter à confusion ou faire perdre la concentration, notamment dans le comptage des points.

Ayant compensé ma surdité par la vue, j’ai un champ visuel assez large et je suis sensible aux mouvements. Si j’ai la chance de ne pas entendre les commentaires des personnes sur le bord du terrain, je vois leurs mouvements, expressions, … ce qui demande plus de concentration pour ne pas en être perturbée.

Enfin, ma surdité étant liée à l’oreille interne, j’ai régulièrement des vertiges et acouphènes qui ont un impact sur l’équilibre, les déplacements et la solidité de l’ancrage au sol. Je dois donc gérer tout cela en match en plus du reste.

(Recueilli par Emmanuel Bringuier) – Première partie